Logement social : les maires frondeurs dégainent leur riposte

Le collectif des 22 maires « pour un urbanisme maîtrisé » vient de rencontrer la ministre du Logement en vue de la future loi. Ces élus proposent une vingtaine d’ « améliorations pragmatiques » pour trouver un entre-deux «réaliste» par rapport aux 25% de HLM imposés par l’Etat dans chaque ville.

 

Non, ils ne sont pas contre le logement social. Oui, ils sont pour la mixité d’habitats. D’emblée, le collectif des 22 maires* du Val-de-Marne « pour un urbanisme maîtrisé » a rappelé son état d’esprit à la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, lundi matin, durant leur rencontre.

Ces élus attendaient avec impatience cette réunion, organisée en vue de la prochaine loi 4D qui prendra la relève de l’actuelle loi SRU. Ils avaient interpellé la ministre mi-février dans une lettre où ils dénonçaient l’objectif des 25 % de logements sociaux imposés dans chaque ville. Ils demandaient une écoute des réalités du terrain.

Une posture pas réservée aux mairies carencées comme Saint-Maur: certains signataires ont largement atteint leur objectif comme Valenton (environ 70 %), Thiais ou Maisons-Alfort.

Écoutés mais pas entendus ?

Les élus proposent à Emmanuelle Wargon une vingtaine de solutions, rassemblées dans 12 propositions, pour faire évoluer la loi SRU. Leurs idées sont détaillées et argumentées.

« Nous ne voulons pas être dans la critique pure et simple mais dans la coconstruction, avec des propositions d’améliorations techniques à la fois pragmatiques et réalistes, résume Charles Aslangul (LR), le maire de Bry-sur-Marne. Nous sommes tous favorables à l’objectif très noble de loger tout le monde. Mais il faut nous donner les moyens. »

Après cette matinée d’échanges « courtois », l’élu confie son ressenti : « Nous avons été écoutés mais craignons de ne pas être entendus, confie Charles Aslangul. La ministre a d’emblée écarté notre première proposition sur les flux et stocks… Maintenant, place aux actes. »

La ministre « va regarder et instruire les propositions une par une, promet son cabinet. Le principe d’accorder des aménagements liés à des spécificités locales est prévu, conformément au rapport Repentin. Mais l’objectif de construire du logement social et mieux le répartir sur le territoire est maintenu. Le Val-de-Marne ne fera pas exception. »

Changer le mode de comptage

« Si on fait 40 % de social dans chaque nouveau programme immobilier, franchement on ne doit pas être considéré comme mauvais élève », lance Charles Aslangul. Or, c’est ce qui se passe quand la ville n’atteint pas les fameux 25 %. « La loi SRU résonne sur la totalité des logements existants dans la commune (stock) et non sur les efforts faits sur les nouveaux logements construits (flux), explique le collectif. Étant précisé que chaque nouvelle résidence construite (pavillon ou collectif) augmente mécaniquement le nombre de logements sociaux à produire. C’est sans fin. Les communes historiquement pavillonnaires ou sans foncier disponible se trouvent inexorablement pénalisées, même si elles construisent plus de 25 % sur le flux. » La Cour des comptes souligne aussi ce paradoxe, rappelle le collectif.

Intégrer d’autres types de logements dans le parc social

Ils demandent que soient comptabilisés les logements d’urgence sociale ou suite à un incendie, ceux pour les victimes de violences familiales, les logements communaux, etc. L’idée n’est pas saugrenue car l’inventaire officiel de HLM d’une ville intègre déjà les foyers pour mineurs, les centres d’aide par le travail pour handicapés (ESAT), certains établissements médicalisés… Ils demandent aussi la prise en compte des logements PLI (prêt locatif intermédiaire), dédiés aux classes moyennes et au loyer plafonné par décret.

L’Etat doit mettre la main à la poche

Difficile parfois pour un promoteur ou bailleur d’équilibrer financièrement une construction avec du PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) vu le prix du foncier. « Une aide complémentaire de l’État pour la réalisation de PLAI serait bienvenue », souhaite le collectif.

Il demande aussi une aide financière de l’Etat pour que les collectivités puissent créer les équipements allant avec l’arrivée de ces nouveaux habitants : crèches, écoles, gymnases, réseaux d’assainissement… Un soutien de l’Etat « dans un esprit de partenariat plutôt que de domination. »

Assouplir certains leviers

Les signataires demandent que les habitations en prêt social logement-accession (PSLA) restent officiellement dans leur inventaire HLM durant 15 ans et non 5, comme actuellement. Ils souhaitent que la future loi autorise la création de résidence étudiante en PLAI (financée par le Prêt locatif aidé d’intégration), donc dédiée aux jeunes en grande précarité. « Ce n’est pas possible actuellement », dénonce Charles Aslangul.

Le collectif aimerait aussi voir augmenter la part des logements attribués par la mairie plutôt que par la préfecture, arguant que « les maires peuvent affiner au mieux le peuplement en favorisant la mixité et l’équilibre de cohabitation sociale. » Il propose également de « flécher » une partie des HLM pour les travailleurs-clés : infirmiers, policiers, enseignants…