Le retour en France de la dépouille d’un général de Napoléon crée la polémique

Members of a historical club and relatives carry the coffin of French General Charles Etienne Gudin during a ceremony to transfer the remains of his body from Russia to France in Moscow on 20 June 2021. – A team of Franco-Russian archaeologists have found in Smolensk in 2019 the remains of a French general who died in 1812 during Napoleon’s Russian campaign. (Photo by Alexander NEMENOV / AFP)

RÉCIT – Les restes du général Gudin, mort pendant la campagne de Russie en 1812, ont été retrouvés lors de fouilles à Smolensk en 2019. Le retour de son corps en France, le 13 juillet prochain, crée la polémique.

Tensions franco-russes, imbroglio sur son retour en France, doutes sur la véracité du corps ; le général Gudin, mort à Smolensk le 22 août 1812 pendant la campagne de Russie, ne finit pas de faire parler de lui. Son corps sera rapatrié en France le 13 juillet sans hommage national, contrairement à ce qui avait été évoqué.

C’est un illustre inconnu dont le nom est pourtant gravé sur l’Arc de Triomphe. «C’était un très bon général des armées de la Révolution, puis de l’Empire. Il a joué un rôle clé à Auerstaedt et à Eylau. Proche de l’Empereur, c’est un personnage assez emblématique de ces familles d’Ancien régime qui rejoignent la Révolution et l’Empire», résume le prince Joachim Murat, descendant du célèbre cavalier. «Avec la grande victoire d’Auerstaedt, il est sans doute l’un des premiers généraux à entrer dans Berlin», confirme son descendant Albéric d’Orléans.

Sa mort est également glorieuse. «Alors que Napoléon visitait la cathédrale de Smolensk, un courrier annonce qu’une bataille se joue. Aussitôt, il envoie Gudin au secours de Ney», narre Pierre Malinowski, l’organisateur du rapatriement. Arrivé sur place, Gudin se fâche avec le maréchal Ney et lui lance : «Vous allez voir comment ma division sait enlever une position qu’elle a mission d’attaquer».

Alors que sa division bouscule l’armée russe, un boulet lui emporte une jambe. Transféré à Smolensk, il y meurt le 22 août 1812. «C’est un parcours français étincelant», assume le prince Murat. En 2019, il est retrouvé par les équipes de Pierre Malinowski qui raconte ses recherches dans A la recherche du tombeau perdu, édition du Cherche-midi.

Proche du pouvoir russe, cet ancien assistant parlementaire de Jean-Marie Le Pen et ancien militaire préside la Fondation pour le développement des initiatives franco-russe. Il porte le sujet, qui sera évoqué au Fort de Brégançon entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. Il milite aussi pour que son retour se fasse en grande pompe, pourquoi pas en présence du président russe. Un rapprochement pour lequel plaide Pierre Malinowski : «C‘est l’un des buts», assure-t-il.

Pas d’hommage officiel

Première polémique, l’hommage n’est finalement pas confirmé. En cause, «la crise sanitaire, Navalny et qui je suis», énonce Pierre Malinowski. «Je vais le ramener moi-même», affirme-t-il. Pour ce faire, il loue un Airbus privé, par l’intermédiaire de l’oligarque russe Andrey Kozystin. «J’ai dû trouver une parade juridique, comme c’est une trouvaille archéologique, il fallait que la France fasse une demande officielle. Puisqu’elle ne l’a pas fait, on a formulé une demande via ses descendants. C’est donc comme si on rapatriait un membre de la famille». Le 23 juin dernier, la Consul de France a posé les scellés officiels sur le sarcophage du général devant des bénévoles en costumes.

Après une courte cérémonie sur le tarmac russe, le sarcophage atterrira au Bourget le 13 juillet. Une cinquantaine de volontaires de l’association Paris Napoléon 2021, habillés en grognard, formeront une haie d’honneur. Son descendant, Albéric d’Orléans, regrette le manque d’hommage national : «Il a sacrifié sa vie à la France, en tant que soldat il aurait droit à un minimum de reconnaissance. Vu les services rendus, on aurait pu espérer qu’il y ait un peu plus de mobilisation». Contactés, le ministère des Anciens combattants et l’Élysée n’ont pas souhaité répondre.

Polémique tombale

Seconde polémique : le lieu de sépulture du général Gudin. Un article du Parisien met le feu aux poudres. Dans celui-ci, le maire de Montargis, ville natale de Gudin, Benoît Digeon (LR) refuse de l’accueillir. «J’en suis étonné, nous ne lui avons pas demandé de l’accueillir», s’étonne Albéric d’Orléans. En réponse, Charles Aslangul (LR), maire de Bry-sur-Marne propose alors de l’accueillir dans son cimetière communal. «Quand j’ai vu l’article du Parisien, mon sang n’a fait qu’un tour. Il ne sera pas dit qu’en France, il n’y a pas un français qui n’ait un sens de la dignité, de l’honneur et de l’histoire ».

Contacté par Le Figaro, le maire de Montargis s’étonne de la polémique : «personne ne nous a demandé de l’accueillir». Il pointe «des réseaux de l’extrême droite» et doute de la véracité du corps. «Tout cela ressemble à une affaire à la Tintin. Je suis un admirateur de Napoléon, mais ne cédons pas aux manipulations du Kremlin ».« Les analyses ADN ont été réalisées par la police scientifique de Marseille. Des tests ADN ont été pratiqués sur sa femme, sa fille et son fils. Il est identifié à 100%», lui répond Pierre Malinowski. Un propos que confirme son descendant Albéric d’Orléans. Ce dernier prépare un enterrement avec sa famille à Saint-Maurice-sur-Aveyron. «Il y a déjà un monument avec des membres de sa famille. Les Gudin sont une famille exceptionnelle avec quatre généraux en deux générations à partir de la Révolution. Il sera en bonne compagnie», conclut-il.